Interview de ARVIN BOOLELL, NOUVEAU MINISTRE MAURICIEN DES AFFAIRES ETRANGERES

«Je ne partage pas les craintes du leader de l’opposition sur les APE»

Le maroquin des Affaires étrangères est à nouveau occupé. Arvin Boolell doit s’attaquer à une pile de dossiers complexes. Tour d’horizon des principaux d’entre eux.

● Comment se passe votre prise de fonction au ministère des Affaires étrangères ? De nombreux dossiers à la fois urgents et importants attendent, même si le Premier ministre (PM) a assuré la fonction suite au départ de Madan Dulloo… 

La transition s’opère en douceur. Je ferai de mon mieux pour rester sur le terrain, dans ma circonscription tout en assurant ma fonction ministérielle. Ce n’est pas incompatible. Dans ce ministère, il y a, effectivement, beaucoup de dossiers importants, sensibles et qui demandent du temps pour être étudiés en profondeur. Il y a les accords de partenariat économique (APE), l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), les questions de souveraineté, l’intégration régionale… Tous ces dossiers doivent être traités avec pragmatisme, ambition et de manière pratique. 

● Sur le plan régional, la diplomatie mauricienne a plutôt été silencieuse sur le dossier zimbabwéen. Et aujourd’hui l’Afrique du Sud connaît un grand changement politique. Quelle diplomatie régionale alors ? 

Ce qui se passe en Afrique du Sud n’a pas d’incidence sur la coopération entre nos deux pays. C’est un enjeu politique interne. Pour ce qui est du Zimbabwe, le PM avait donné son opinion sur la question et a suivi l’évolution de la situation. Nous sommes pleinement investis dans la région, que ce soit à la Southern Africa Development Community (SADC) ou au COMESA. Pour ce qui est de la Commission de l’océan Indien, je pense qu’il faudra aller de l’avant avec des projets de plus grande envergure pour l’ensemble de la région, plutôt que de multiplier les petits projets. 

● Les APE sont, selon le leader de l’opposition, Paul Bérenger, d’un enjeu capital. Vers quoi s’avance-t-on ? 

L’Union européenne (UE) est notre principal marché, totalisant 67 % de nos exportations. Les APE sont donc cruciaux pour le pays. Toutefois, je ne partage pas toutes les craintes du leader de l’opposition dont celle sur la clause de «most favoured nation». L’accord intérimaire n’est pas encore ratifié. La signature de cet accord intérimaire ne nous obligera pas à signer dans le court terme les APE complets. Nous aurons le temps de nous pencher sur la question plus profondément. Par contre, il nous faudra faire une demande annuelle pour l’automatic derogation. S’il n’y avait pas d’accords intérimaires, le pays aurait pu se retrouver dans une situation difficile compte tenu du poids de l’Europe dans notre balance commerciale. 

● Et pour le marché américain, où en sont les discussions sous les dispositions de l’AGOA ? 

Nous avons demandé aux autorités américaines de reconduire la dérogation exceptionnelle pour le third country fabric jusqu’en 2012. Je salue à cet effet les efforts de Paul Ryberg qui travaille d’arrache-pied sur le dossier. Cela dit, le Lesotho, qui est un pays où l’industrie textile a décollé grâce aux provisions de l’AGOA, conteste notre demande. Maurice n’est normalement pas éligible à cela compte tenu du niveau de développement. Nous continuons de défendre notre position et discutons à ce sujet avec nos amis du Lesotho, pour qu’ils finissent par nous soutenir. 

● Lors de sa visite, la Commissaire européenne à l’agriculture, Mariann Fisher-Boel, a évoqué la possibilité pour Maurice de prétendre à une enveloppe globale de 1 milliard d’euros. Pourtant, notre niveau de développement ne peut justifier son éligibilité à une enveloppe destinée aux pays en développement dont les plus pauvres… 

En fait, Maurice pourrait prétendre à cette enveloppe en invoquant sa vulnérabilité. Nous avons un high vulnerability index, comme de nombreux petits Etats insulaires en développement. Aussi, nous sommes un net food importer. Dans ce cadre, Maurice peut effectivement obtenir un financement pour la thématique sécurité alimentaire. Il pourrait considérablement nous aider à entamer une réforme structurelle de l’agriculture. 

● Justement, la question de la sécurité alimentaire peut aussi se poser sous l’angle régional… 

Effectivement, les opportunités de coopérations sont grandes dans la région comme au Mozambique. Madagascar fait preuve d’une volonté politique dans ce sens. La volonté politique est un premier pas. Des discussions doivent être menées au sein de la SADC par exemple. Il faut aussi que la démocratie soit stable. Ensuite, viennent les montages de projets et les financements. Le secteur privé doit être partie prenante. Les financements pourraient aussi venir de la Banque mondiale. 

● Pour finir, la question épineuse de la souveraineté. Comment allez-vous aborder les dossiers Chagos et Tromelin ? 

Le dialogue politique se poursuit. Notre souveraineté n’est pas négociable. Ce sont des dossiers complexes. On y travaille. La France pour Tromelin et le Royaume-Uni pour les Chagos campent sur leur position. Mais le dialogue reste ouvert.