L'Afrique cherche sa place à la table des grands

Bien qu'ils soient de mieux en mieux armés, les pays africains ont encore du mal à faire entendre leur voix et défendre leurs intérêts lors des grandes négociations multilatérales comme celle qui se tient actuellement à Genève.

Le continent africain a toujours été considéré comme un marché potentiel pour l'Occident, du fait de sa nombreuse population et du manque de technologies. Les réalités de nos pays y sont pour beaucoup. D'abord les textes, lorsqu'ils existent, sont désuets ou ignorés. Ensuite, les experts, une espèce rare : le plus souvent, ils sont marginalisés sinon contraints à l'exil pour des raisons politiques. Or la formation ne suit pas toujours, les ressources encore moins. Par ailleurs, le commerce intracommunautaire demeure toujours aussi faible et inorganisé en dépit des efforts fournis ces dernières années. 

Maintes fois, l'Afrique a dénoncé les injustices du système international dont les mécanismes sont sous contrôle exclusivement occidental. Presque toujours, le continent se trouve marginalisé dans ces négociations où le blocage se situe généralement autour de questions agricoles. 

La part de l'Afrique est peut-être insignifiante dans le commerce international. Mais les citoyens africains sont indignés à l'idée que l'Occident contraint leurs pays à supprimer taxes et autres formes de subventions tout en subventionnant ses propres agriculteurs aux dépens de ceux d'Afrique, bien plus démunis. Le commerce mondial constitue de ce fait un marché de dupes, dominé par la même pensée unique et inique. 

Dans un passé récent, l'Afrique, faiblement représentée, agissait en ordre dispersé. Chacun avait recours à sa propre stratégie. Mais l'on s'aperçoit bien vite que les choses ne sont pas aussi faciles. Il semble cependant que la situation change. L'expertise se développe et se renforce continuellement. Peu à peu, l'on apprend aussi à mieux maîtriser les dossiers et à étoffer les délégations de manière conséquente. 

Les négociations internationales deviennent de plus en plus ardues parce que l'Afrique prend sa place et s'affirme davantage. La contribution des organisations sous-régionales et régionales dont l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et l'ensemble de la société civile sont pour beaucoup dans ces performances. Il faut se féliciter que des juridictions supranationales s'imposent de plus en plus à l'intérieur de nos frontières, même si des poches de résistance existent. Fait indéniable, l'Afrique est beaucoup défendue par les organisations de la société civile occidentale dont le travail est inestimable. 

L'Afrique a pris conscience de ses forces mais aussi de ses faiblesses. De mieux en mieux pourvus, les pays disposent d'experts de toutes disciplines et des spécialistes de très haut niveau pour les négociations. Il n'y a plus de complexe à poser les problèmes et à les discuter. Il faut non seulement être averti des enjeux, mais surtout apprendre à bien préparer ses dossiers et à les défendre au moment opportun. 

Il faut se féliciter du fait que les pays africains cherchent de plus en plus à parler d'une seule voix. Comme dans le cas des pays producteurs de coton réunis au sein de l'Initiative C4 [qui rassemble le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad]. Cela permet tout au moins de mieux se concerter et de peaufiner les stratégies face aux défis et perspectives. 

C'est un euphémisme que de soutenir qu'aux rencontres actuelles de l'OMC, il ne suffit point d'avoir raison ou de pouvoir compter sur les engagements des amis : la loi des intérêts est tenace, et elle s'applique de manière tout aussi implacable sur les économies en détresse. Mais le continent ne peut entrer dans la compétition sans les armes nécessaires. Les Africains, dont on découvre progressivement les talents et la témérité, doivent se rendre à l'évidence : quand on négocie, il n'y a vraiment pas de sentiments ! Même si, comme l'affirme le ministre du Commerce burkinabé, ce combat met aux prises "les pots de terre aux pots de fer".