L'économie chinoise rattrapée par la crise

LEMONDE.FR avec AFP | 22.01.09

Les chiffres laissent rêveur. Et pourtant ! La croissance chinoise est repassée sous 10 % en 2008, pour la première fois en six ans, après avoir brutalement freiné au quatrième trimestre, à son tour victime de la crise financière mondiale. Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a déjà prévenu que 2009 devrait être "l'année la plus difficile" pour l'économie chinoise depuis le début de la décennie.

Après cinq années consécutives de progression à deux chiffres, jusqu'à 13 % en 2007, le produit intérieur brut de la troisième économie de la planète a crû, l'an dernier, de 9 %, selon les données publiées, jeudi 22 janvier, par le Bureau national des statistiques (NBS). La dernière croissance à un seul chiffre avait été enregistrée en 2002 (9,1 %).

La croissance 2008 reste certes enviable pour les économies en récession mais elle masque le ralentissement soudain de l'économie dans les derniers mois : après + 9 % au 3e trimestre, la croissance a chuté à + 6,8 % au 4e, son taux trimestriel le plus bas depuis la fin 2001 (+ 6,6 %), selon des économistes. "On parle bien d'un atterrissage difficile", commente Hu Yuexiao, analyste de Shanghai Securities. "Avec la consommation et les exportations qui devraient encore décliner en 2009" et l'inflation tombée à 1,2 % en décembre 2008, alors qu'elle frôlait les 9 % en début d'année, "une déflation est très probable en 2009", poursuit M. Hu. "La déflation n'est pas inhabituelle dans les cycles économiques, mais elle arrive si vite cette fois qu'elle aura davantage d'impact sur l'économie", ajoute-t-il.

Pour le gouvernement, le coupable est la situation économique mondiale : "La crise financière internationale s'aggrave et se répand avec un impact négatif continu sur l'économie nationale", estime Ma Jiantang, chef du NBS.

Un des premiers effets de la crise est de réduire la demande des pays occidentaux pour les produits made in China, alors que l'économie du géant asiatique est très dépendante de ses exportations. De fait, au cours des deux derniers mois de 2008, les exportations de la Chine, bouillonnantes depuis des années, ont accusé une baisse, de 2,2 % puis 2,8 % sur un an. Conséquence de ce ralentissement de l'activité, la production industrielle a également marqué le pas, augmentant de seulement 12, 9% sur un an, contre + 18,5 % en 2007. Et encore grâce à ses fortes progressions de début d'année, car elle s'est effondrée dans les dernières semaines, pour tomber à + 4,1 % en décembre 2008.

Après des années de surproduction qui inquiétaient les autorités, la Chine semble désormais vivre sur ses stocks, au détriment de la production et donc de l'emploi, alors que déjà les annonces de fermetures d'entreprises, principalement celles tournées vers l'export, se sont succédé ces derniers mois.

Selon le gouvernement, plus d'un demi-million de citadins ont perdu leur emploi dans les trois derniers mois de l'année, statistiques qui ne tiennent pas compte de tout une partie de la population. Environ six millions de travailleurs migrants sont rentrés dans leur campagne après avoir perdu leur emploi en ville à cause de la crise financière internationale. A peu près le quart des 120 à 130 millions de travailleurs migrants – soit une trentaine de millions de personnes – sont rentrés chez eux, a indiqué le chef du NBS. Or le déstockage pourrait perdurer et "la production rester atone" pendant tout le premier semestre 2009, selon Jing Ulrich, de JP Morgan.