Le camp de réfugiés somaliens de Dadaab au bord de l'implosion

Source: AFP

Devant l'afflux quotidien de centaines de Somaliens fuyant la sécheresse et les combats vers le camp déjà surpeuplé de Dadaab (nord-est du Kenya), les agences humanitaires de l'ONU pressent le Kenya d'allouer plus de terrains pour héberger les nouveaux réfugiés.

Conçu dans les années 90 pour abriter 90.000 personnes, Dadaab en abrite désormais 280.000 et est devenu le plus grand camp de réfugiés au monde, entassés pour les mieux lotis dans des tentes recouvertes de bâches en plastique.

Fatimah Mohamed Ali, 56 ans, est une des dernières arrivées et attend patiemment son tour pour se faire enregistrer auprès du Haut commissariat de l'ONU pour réfugiés (HCR).

Epuisée par le voyage, elle garde en tête les images insupportables de ses compatriotes trop faibles pour atteindre Dadaab, mourant en chemin sur le bord de la route, leurs cadavres offerts aux charognards.

"Pendant 10 jours, nous sommes restés bloqués dans notre maison à Mogadiscio. Impossible de sortir, il y avait des combats tout autour. Puis le 11e jour, c'était calme, et nous avons décidé qu'il était temps de partir", raconte-t-elle.

Manque de terres

Selon le HCR, plus de 120.000 personnes ont été déplacées par les combats opposant depuis début mai les insurgés islamistes radicaux aux troupes gouvernementales du président Sharif Cheikh Ahmed, un islamiste modéré dont ils ont juré la perte.

La persistance des combats et des périodes de sécheresse prolongées dans le pays poussent toujours plus de réfugiés aux portes du camp et posent avec toujours plus d'acuité la question de la création de nouveaux camps, une demande ancienne des agences de l'ONU restée lettre morte à ce jour.

"Depuis août dernier, nous n'avons pas pu allouer de nouveaux emplacements" aux arrivants, explique un porte-parole du HCR, Andy Needham.

"En ce moment, les nouveaux réfugiés emménagent chez des proches" déjà installés, confirme la directrice du camp, Anne Campbell, précisant que des parcelles de 180 m2 abritent jusqu'à 40 personnes.

"Nous appelons le gouvernement à satisfaire rapidement la demande de l'ONU", a appelé récemment la secrétaire générale de l'ONG Amnesty international, Irene Khan, au terme d'un entretien avec le ministre de la Sécurité intérieure George Saitoti.

"Le ministre s'est montré plutôt optimiste (. . . ) mais nous lui avons dit qu'il devrait s'assurer que la terre soit rapidement débloquée", avait-elle ajouté.

Saturation

Le Kenya a également proposé de transférer 50.000 personnes dans le camp de Kakuma, créé pour héberger des réfugiés du Sud-Soudan, une solution trop coûteuse de l'avis de responsables humanitaires.

En attendant, la pression démographique met les infrastructures du camp à rude épreuve. La répartition des ressources, l'eau ou l'aide alimentaire, relève du casse-tête.

Des agences humanitaires telle que l'Office humanitaire de la commission européenne (Echo) ont investi plusieurs millions de dollars pour améliorer l'approvisionnement en eau et construire des sanitaires.

"Le réseau d'eau a été construit il y a 19 ans et conçu pour 90.000 personnes alors qu'aujourd'hui, c'est une ville de 300. 000 personnes", explique Yves Horent, un responsable technique d'Echo.

"Tout est compliqué ici, il n'y a pas assez de nourriture, pas assez d'eau et même pas assez d'abris", résume Osman Mohammed Yalahow, un réfugié de 46 ans.

"Même s'il y a des combats en Somalie, je pense que la vie est meilleure là-bas. Les conditions sont critiques ici", explique cet ancien mécanicien occupé à agrandir son abri où cohabitent entre autres 12 enfants.