Le protectionnisme chinois inquiète l'Occident

LE MONDE | 23.06.09 | LE MONDE

Depuis le début de la crise, Pékin ne cessait de mettre en garde les pays occidentaux contre la mise en place de mesures protectionnistes. Et voilà qu'à la surprise générale, la Chine vient de lancer une opération visant à favoriser le buy China dans les appels d'offres accompagnant les projets du plan de relance.

Une tendance dont s'est ému, mardi 23 juin, le ministre allemand de l'économie Karl-Theodor zu Guttenberg. "Je vois l'évolution en Chine avec inquiétude et je vais m'engager pour éviter des conséquences néfastes pour l'économie d'exportation allemande", a-t-il déclaré au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Alors que les groupes étrangers comptaient sur les importantes dépenses en infrastructures prévues dans le plan de relance gouvernemental, une dizaine d'agences d'Etat et de ministères chinois ont publié, début juin, un communiqué commun appelant à privilégier "les produits chinois dans les dépenses du programme d'investissement gouvernemental, sauf pour les technologies, les biens et les services qui ne peuvent pas s'obtenir avec des conditions commerciales raisonnables en Chine".

Cette exhortation à "acheter chinois" répond aux "protestations croissantes" de firmes nationales et d'associations professionnelles "devant les nombreux contrats juteux accordés à des firmes étrangères", selon le China Daily, qui se félicite de la "réponse favorable" apportée par Pékin.

Selon le quotidien anglophone, l'agence de planification chinoise (NDRC), a fait savoir le 1er juin que des produits chinois avaient pâti de "barrières illégales" lors des appels d'offres du plan de relance. Il ajoute que cette "discrimination" était sérieuse dans le secteur des constructeurs d'équipements et de machines industriels, où les étrangers bénéficieraient de "conditions préférentielles" à l'importation. Le seul cas cité est celui du train à grande vitesse entre Pékin et Shanghaï auquel participe Siemens AG. Mais le contrat accordé à la firme allemande est en réalité antérieur au plan de relance.

MAINTENIR LE DIALOGUE

"Les marchés publics chinois ont toujours été fermés aux étrangers, sauf quand il s'agit d'obtenir des hautes technologies. Pékin n'a pas signé l'accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) portant sur les appels d'offres gouvernementaux. Elle en a accepté le principe, mais les négociations n'aboutissent pas encore. Il faut voir cette exhortation comme un rappel à l'ordre en direction des provinces, car les gouvernements locaux peuvent avoir tendance à préférer des solutions étrangères, notamment dans le but de favoriser les investissements étrangers", note un observateur européen à Pékin. "Cela signifie que certains projets qui pourraient échoir à des acteurs étrangers risquent d'être bloqués", poursuit-il.

Le président de la chambre de commerce européenne en Chine, Joerg Wuttke, a, pour sa part, dénoncé les modalités d'un appel d'offres récent de 5 milliards d'euros portant sur 25 générateurs éoliens. Elles étaient, selon lui, défavorables aux candidats étrangers dans la mesure où elles privilégiaient le prix initial des engins, sans tenir compte de leur coût de revient réel. Le contrat a été remporté par des fabricants chinois.

Les Européens entendent malgré tout maintenir le dialogue. "On ne peut que chercher des occasions de discuter avec nos interlocuteurs chinois lors de rencontres de haut niveau. Cela permet de mettre en avant notre souci d'un environnement commercial aussi ouvert que possible, surtout en temps de crise", estime Zhong Na, une porte-parole de la délégation de la Commission européenne à Pékin.

Il est vrai que le plan de relance décidé à Pékin profite, indirectement, à toutes les firmes présentes sur le marché chinois, dans la mesure où elle stimule la croissance.

Nombre de groupes industriels étrangers sont par ailleurs présents en Chine en partenariat - ou y fabriquent en tant qu'entité chinoise. Suez Environnement par exemple constate une accélération des projets : "On a deux niveaux de partenariats, avec des entreprises locales privées pour les installations, et avec les municipalités pour les services de gestion, donc on n'a pas ressenti de réticences liées à notre statut de société étrangère. Il y a certainement plus d'appels d'offres qu'en 2008, on choisit ceux sur lesquels on apporte une valeur ajoutée", assure un porte-parole du groupe à Shanghaï.