TRANSGREEN: lancement d'un méga projet énergétique reliant l'Afrique à l'Europe

06/07/10 - Les Echos

Henri Guaino, le conseiller spécial de l'Elysée, et Jean-Louis Borloo, le ministre de l'Ecologie, ont officiellement lancé hier Transgreen, ce projet de lignes à haute tension entre les deux rives de la Méditerranée.

Deux ans après le lancement du Plan solaire méditerranéen (PSM), la France a officiellement lancé hier un projet de réseau électrique censé relier l'Afrique à l'Europe dès 2020. Treize entreprises, dont les français EDF, Alstom, Areva, Atos Origin et Nexans, ont signé un protocole d'accord en vue de créer une société chargée d'étudier la faisabilité du projet, appelé Transgreen. Mais l'initiative revient aux pouvoirs publics, à commencer par le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui voit là une application concrète de l'Union pour la Méditerranée.

« C'est une réponse au scepticisme, la Méditerranée ça avance », a déclaré hier Henri Guaino, le conseiller spécial de l'Elysée. Lancée en juillet 2008, l'Union pour la Méditerranée s'est retrouvée dans une impasse diplomatique après l'intervention israélienne à Gaza, début 2009. « Ca me fait un peu penser à la Ceca », la Communauté européenne du charbon et de l'acier, s'est félicité le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo.

L'électricité, il ne suffit pas de la produire, il faut aussi la transporter. Or, avec l'essor des nouvelles technologies et l'arrivée du nucléaire, les initiatives de production se multiplient en Afrique du Nord. Pour un budget prévisionnel de l'ordre de 40 milliards d'euros, le Plan solaire méditerranéen prévoit la construction de capacités de production d'électricité renouvelable (solaire et éolienne) d'environ 20 gigawatts d'ici à 2020, dont un quart serait exporté vers l'Europe.

De son côté, le projet Desertec, d'origine allemande, voudrait couvrir jusqu'à 15 % des besoins en électricité européens d'ici à 2025. Coût estimé : 400 milliards d'euros d'ici à 2050…


Déterminer la rentabilité

Transgreen se veut concret. Ses initiateurs tablent sur un investissement de 8 milliards d'euros pour la construction de 5 ou 6 interconnexions sous-marines, totalisant 5 gigawatts de capacité. Le coût s'explique par la technologie utilisée, celle du courant continu, dont les lignes sont de 7 à 8 fois plus chères que celles en courant alternatif, mais qui réduisent largement les pertes de réseau. Un aspect décisif pour des lignes de plus de 1.000 kilomètres, selon l'allemand Siemens, qui participe au projet. Côté financement, selon Augustin de Romanet, le patron de la banque publique CDC, également membre du consortium, des investisseurs du golfe ou d'Asie du Sud-Est sont demandeurs de projets d'infrastructures de ce type. « Cela permettra d'aller chercher l'épargne là où elle est », selon lui.

Encore faut-il déterminer la rentabilité de Transgreen. C'est l'objet de la société qui sera juridiquement créée d'ici à la fin du mois et qui sera opérationnelle d'ici à la fin de l'année, a indiqué André Merlin. Le président du conseil de surveillance des réseaux français de transport (RTE) et de distribution (ERDF), deux filiales d'EDF, devrait d'ailleurs prendre la présidence de Transgreen, l'électricien public étant désigné comme « chef de file » du projet.

Outre les huit français, les membres incluent l'espagnol Red Electrica et l'italien Prysmian. « Le projet est ouvert à d'autres, notamment l'italien Terna et tous les partenaires du Sud avec lesquels nous sommes en relation étroite », selon André Merlin.


Complémentarité, rivalité : une relation ambiguë avec le projet allemand Desertec

L'initiative des pouvoirs publics illustre l'émulation entre la France et l'Allemagne qui essaient toutes deux, à leur façon, de mener des projets en Afrique.

Avec le projet DESERTEC, pour 400 milliards d'euros, l'intitiative propose d'installer des centrales thermiques solaires à concentration dans le Sahara. Mais, de l'autre côté du Rhin, ce sont les industriels qui sont à la manoeuvre - les électriciens E.ON et RWE, les industriels Siemens, Schott Solar… -et non pas les politiques, même si la Chancellerie surveille l'aspect diplomatique du dossier.