Matières premières: le rapport de l'UE qui a mis le feu aux poudres

EurActiv.fr | 28.01.2011

Un document de la Commission, dont EurActiv.fr s'est procuré une version avancée, souligne que le lien entre spéculation et volatilité des produits de base n'est pas prouvé. Cette affirmation a provoqué la colère de Paris.

Encore en préparation, ce rapport de la Commission a déclenché une polémique entre Paris et Buxelles. Le texte, qui comporte une vingtaine de pages, et dont EurActiv.fr s’est procuré une version avancée, affirme que l'on ne peut relier avec certitude la spéculation et l’augmentation des prix des matières premières, notamment agricoles.

«Il n’y a pas de preuve concluante d’une causalité entre la spéculation et les marchés dérivés [d'une part], et l’augmentation de la volatilité sur les marchés physiques [d'autre part]», affirme la Commission.

C’est d’ailleurs la seule fois que le mot «spéculation» figure dans ce rapport, intitulé : « Relever les défis sur les marchés des produits de base et des matières premières ».

Sécurité alimentaire

Si la Commission reconnaît que «le prix des produits dérivés et celui des produits physiques sont liés», elle estime qu’il n’est «pas simple» de connaître l’influence d’un marché sur l’autre. «A ce stade, il y a peu de preuves que le processus de formation du prix sur les marchés physique a été transformé par l’importante hausse de l'activité des marchés dérivés observée ces dernières années.»

Le rapport fait de la «sécurité alimentaire» un enjeu majeur. Pour Bruxelles, elle est menacée par la volatilité des prix des matières premières. Ce phènomène s’explique, selon la Commission, par une combinaison de facteurs, dont la hausse de la demande. Le rapport évoque par exemple également les restrictions à l’exportation utilisées par la Russie à l’été 2010.

«Des facteurs liés aux marchés financiers peuvent avoir amplifié la volatilité des prix», admet le document. En un an, le prix du blé coté à Paris a plus que doublé, alors que le cours du maïs a connu une envolée de 78%.

Causes multiples

La Commission recommande une transparence accrue sur les marchés, ainsi qu’une étude pour analyser leur fonctionnement. «Les causes de la volatilité des prix étant multiples, il n’existe pas de solution unique», poursuit la Commission.

Le texte mentionne néanmoins la régulation des marchés. Il évoque notamment la possibilité de limiter la marge d’action de certains opérateurs sur les marchés dérivés de matières premières. Il suggère ainsi d’éventuelles «limites de position» imposées aux investisseurs. Concrètement, il s’agit de déterminer un nombre maximum de contrats susceptibles d'être conclus par chaque investisseur sur les marchés secondaires. Depuis quelques semaines, cette mesure est en vigueur aux Etats-Unis.

Interrogé lors d’une conférence de presse, jeudi 27 janvier, le commissaire en charge du Marché intérieur et des services financiers, Michel Barnier, a déploré «les petites polémiques» autour de cette controverse entre Paris et Bruxelles. «J’ai regretté que tel ou tel ministre polémique avec la Commission à partir d’une phrase qui n’a jamais fait l’objet d’une validation politique», a-t-il affirmé.

Volatilité « réelle » et « insupportable »

Interrogé sur cette étude le 24 janvier, le président français Nicolas Sarkozy avait ironisé: «Je recommanderais une date pour la publier: le 1er avril.» Une approche critique reprise par le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire. «Le débat ressemble un peu à celui autour du sexe des anges», avait-il estimé. Selon lui, la volatilité est à la fois « réelle » et « insupportable ». «L’Europe a besoin de régulation des marchés», a-t-il ajouté.

La publication de ce rapport, qui devait intervenir mercredi 26 janvier, a finalement été reportée sine die. Le porte-parole de la Commission a néanmoins promis qu’il serait rendu public «avant le 1er avril».