ACP : Le protocole sucre en voie de disparition

Selon les rapports de presse caribéens, la CE a formellement pris la décision de renoncer au protocole sucre à la fin septembre 2007, conformément à ses propositions d’accès aux marchés pour les exportations de produits ACP définies dans sa déclaration du 4 avril 2007.

La CE soutient qu’elle « s’engage à sauvegarder les avantages du protocole sucre, mais que préserver ces avantages ne signifie pas nécessairement préserver le protocole lui-même ». Elle affirme en outre que la « partie la plus importante du protocole … à savoir le traitement préférentiel sur le marché de l’UE », sera maintenu, au travers de l’élimination de tous les tarifs sur les exportations de sucre ACP d’ici 2015.

Dans ce contexte, la CE y voit une amélioration de la relation commerciale avec les régions ACP, en créant un « système viable dans le monde d’aujourd’hui ». La CE a rejeté les allégations selon lesquelles l’abandon du protocole sucre équivalait à « renier les objectifs de développement définis dans l’Accord de Cotonou », soulignant que les APE contribueraient à renforcer les marchés régionaux et la compétitivité.

Dans le cadre de l’APE actuellement en cours de négociation, l’UE a offert un accès en franchise de droits et de quota pour le sucre et toutes les exportations des Caraïbes et un tel accord « n’est pas compatible avec un accord fournissant un prix spécial et des volumes garantis pour le sucre à certains pays caribéens mais pas à tous ». Par conséquent, si de nouveaux APE doivent entrer en vigueur, « nos accords actuels pour le sucre doivent être modifiés ».

La CE a également souligné que l’accord actuel n’était pas compatible avec la nouvelle mouture du régime sucrier de l’UE qui démantelait les prix garantis pour les propres producteurs de la CE. Certains hauts responsables de la CE ont déclaré : « nous ne pouvons justifier le paiement de prix garantis aux producteurs caribéens alors que nous n’offrons plus de prix garantis à nos propres producteurs. »

La CE continue d’affirmer que le package proposé aux pays ACP, qui inclut un accès illimité au marché en franchise de droits (soumis à une clause de sauvegarde), un prix plancher pour un certain nombre d’années et une aide financière pour investir dans de nouvelles technologies et mesures destinées à accroître la compétitivité, a pour but de faciliter la transition.

Cependant, les représentants ACP sont déçus par l’unilatéralité de la décision d’abandon du protocole sucre, sans une consultation de tous les ACP. Qualifiant la décision de régler les problèmes du sucre au travers des négociations d’APE régionales comme une tactique consistant à « diviser pour mieux régner », le ministre du Commerce extérieur et de la coopération internationale de Guyane, Dr Henry Jefferies, a déclaré que les ACP « n’étaient pas contre le fait de renoncer au protocole sucre lorsque ses avantages auront pu être sauvegardés dans le nouvel accord commercial » ou autrement pris en compte. Actuellement cependant, les ACP estiment l’offre de l’UE actuelle « insuffisante » pour sauvegarder les avantages du protocole sucre.

Source d'informations
Stabroek.news, 6 août 2007 (seulement en anglais)

Broadstreetnews.com, 15 août 2007 (seulement en anglais)
Jamaica Observer
, 10 août 2007 (seulement en anglais)

Notes

Pour les fournisseurs de sucre ACP, la partie la plus importante du protocole sucre n’a pas trait à l’accès préférentiel per se, mais à la valeur de l’accès préférentiel accordé. Celle-ci est fondamentalement minée par le processus de réforme du secteur sucrier, dans la lignée du courant principal de la réforme de la PAC. Il s’ensuit une réduction des revenus des exportations de sucre vers l’UE de 36% sur une période de quatre ans jusqu’à la campagne 2009/10. Cela affectera fondamentalement la capacité des fournisseurs ACP à exporter avantageusement le sucre sur le marché de l’UE (voir le tableau ci-dessous), sans parler des effets sur les prix d’une concurrence accrue sur un marché sucrier de plus en plus libéralisé (l’on annonce une hausse des importations de sucre par l’UE qui passeront de 3 millions de tonnes en 2006 à 4,4 millions de tonnes d’ici 2010 et un éventuel cycle supplémentaire de réduction des prix du sucre en 2013, pour aligner le sucre sur les autres récoltes arables de l’UE qui font partie du régime de paiement unique).

Alors que tous les pays à l’exception de St Kitts & Nevis et Trinidad & Tobago peuvent exporter de façon rentable au prix du sucre d’avant la réforme de l’UE, au prix post-réforme qui sera principalement d’application en 2009/10, même à la suite d’une restructuration réussie telle qu’envisagée actuellement, les exportations de sucre vers le marché de l’UE ne seront pas rentables pour le Kenya, Madagascar, la Côte d’Ivoire, la Barbade, seront marginales pour la Tanzanie, le Congo, la Jamaïque et sensiblement moins rentables pour Belize, Maurice et Fidji. Les seuls bénéficiaires du protocole sucre capables d’approvisionner confortablement le marché de l’UE aux prix post-réforme de 2009/10 seront le Malawi, la Zambie, le Zimbabwe, le Swaziland, le Mozambique et la Guyane.

Cependant, si, comme on peut le craindre, dans le cadre des réformes de la PAC de 2013, la CE lance une nouvelle vague de réductions du prix du sucre comparable à celles introduites dans d’autres secteurs arables (c’est-à-dire en réduisant les prix européens de 50% par rapport à leur niveau pré-réforme, obtenant un prix qui serait encore environ 50% supérieur aux prix du marché mondial actuel –en fonction du taux de change euro/dollar), les exportations sucrières ne seraient alors clairement rentables que pour le Malawi, le Zimbabwe et le Mozambique, les exportations du Swaziland et de la Zambie seraient marginales et les exportations de la Guyane, non-viables.

C’est cette réalité économique sous-jacente qui est la source de tant de tourments parmi les bénéficiaires ACP du protocole sucre.

Dans ce contexte, il convient de noter qu’alors que la CE démantèle les prix garantis aux producteurs de sucre de l’UE, elle maintient toujours un revenu « garanti » par le biais de l’incorporation du secteur sucrier dans le régime de paiement unique pour les agriculteurs de l’UE, un régime qui dans le secteur céréalier (où la réforme de la PAC est la plus avancée) fournit à présent entre 57% et 70% du revenu total des producteurs de céréales de l’UE, les rendant ainsi beaucoup moins dépendants des prix obtenus sur le marché pour leur bien-être économique général.

Septembre 2007 - Agritrade