EGYPTE : Interdits de territoire dans leur propre pays

La police empêche nombre d'Egyptiens de circuler librement dans les villes touristiques huppées du pays, déplore Chahinaz Gheith dans Al Ahram.

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Le tort de ces personnes est d’avoir un look saïdien, c’est-à-dire de la Haute-Egypte. Abdel-Rahmane, natif de Sohag, tenait à rendre visite à son cousin qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Par la même occasion, il voulait tenter sa chance pour travailler dans l’entreprise de bâtiments où est embauché son cousin. « J’ai l’impression de me trouver dans un pays étranger. Cette ville est pourtant située en Egypte, pourquoi nous demander un permis d’entrée pour y accéder ? », s’indigne-t-il. La gaffe de Motawie, originaire, lui, de Qéna, est d’avoir oublié cette autorisation délivrée par le commissariat de Charm et prouvant qu’il travaille dans un bazar.

Une épreuve difficile pour tous ceux qui ont osé passer la frontière de Charm Al-Cheikh si leurs papiers ne sont pas en règle. Exactement comme à Rafah où l’on doit communiquer avec ses proches à travers des fils barbelés ou avoir une autorisation des autorités israéliennes pour leur rendre visite.

En effet, cette zone balnéaire a été mise sous haute surveillance depuis les derniers attentats qui ont eu lieu à Taba en 2004 et à Charm en 2005 et qui ont coûté la vie à plusieurs personnes. Les autorités n’ont adressé aucune accusation aux habitants de la Haute-Egypte ; pourtant, les services de sécurité considèrent cette région comme étant le fief des mouvements islamistes auteurs de plusieurs attentats et affrontements avec la police. Pour éradiquer ce phénomène, le gouvernement a pris des mesures pour améliorer les conditions de vie des habitants de la Haute-Egypte, entre autres combattre le chômage, un facteur poussant à la violence et au terrorisme. Le sociologue Ahmad Al-Magdoub relève à cet égard que « depuis le massacre de Louqsor qui a coûté la vie à plusieurs touristes, à Deir Al-Bahari, aucun acte de violence n’a été enregistré dans le Saïd ou contre les touristes ». Les villes touristiques du Sinaï devinrent, elles, la cible de mouvements au contour flou.

Depuis, des mesures draconiennes ont été mises en place pour restreindre l’accès des travailleurs à ces cités paradisiaques. Ainsi tout travailleur du secteur privé ou autre qui n’est pas muni d’une autorisation émanant du commissariat ou de la municipalité n’est-il pas autorisé à entrer dans l’une de ces villes : Charm en premier, Dahab, Noweibaa mais aussi des villes sur la mer Rouge, en dehors du Sinaï, comme Hurghada, Safaga, Marsa Alam, Ras Ghareb. Sur la route de Qéna-Safaga, au kilomètre 85 où est installé un barrage de police, le même scénario se répète. Les agents de sécurité refoulent même des familles de Sohag, Qéna, Louqsor et Assouan et les privent de passer des vacances à Hurghada chez des proches qui habitent Safaga. La raison, ils n’ont pas ce permis d’entrée légalisé par la Sécurité de l’Etat de leurs villes prouvant qu’ils travaillent à Hurghada ou qu’ils sont natifs du gouvernorat de la mer Rouge. Une situation qui révolte les Saïdiens pour qui la ville de Hurghada est l’endroit idéal pour passer leurs vacances car elle est la plus proche du Saïd. Il suffit de quelques heures en voiture en passant par Qéna pour y arriver. Et pour aller à Charm, la traversée se fait en bac en 90 mn.

Moustapha Bakri, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Al-Osboue, et député au Parlement, a formulé une demande pour discuter de ce problème. « L’Etat est en train de transgresser l’article 50 de la Constitution qui autorise la libre circulation du citoyen dans son propre pays. Cette décision est anticonstitutionnelle et va créer de nouveaux réseaux terroristes », explique-t-il.

Selon un haut responsable de la police sous couvert de l’anonymat, Charm Al-Cheikh, la ville dite de la paix, a une particularité politique puisqu’elle accueille des dizaines de conférences et de sommets de paix. Elle est aussi la destination de nombreux touristes qui y atterrissent sans passer nécessairement par Le Caire, d’où la nécessité de la mettre sous haute sécurité. « Nous ne faisons pas de discrimination entre les citoyens de la Haute et Basse-Egypte, nous demandons seulement à tous ceux qui travaillent dans les stations balnéaires de présenter un permis d’entrée », explique-t-il, tout en précisant que la majorité des travailleurs sont originaires du Saïd, et beaucoup d’entre eux viennent chercher une opportunité de travail. « On ne peut permettre une libre circulation à des malfaiteurs ou des drogués, etc. », tente-t-il de répondre.

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