Afrique de l'Est: Des officiels confus au sujet des points positifs et négatifs de l'APE
L'information selon laquelle les ministres de la Communauté de l'Afrique de l'est (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda et Burundi) sont sur le point de signer un accord de partenariat économique avec l'Union européenne (UE) a été reçue avec des réactions mitigées par des officiels du gouvernement de ces mêmes pays.
Les ministres de la Communauté de l'Afrique de l'est (EAC) s'étaient mis d'accord la semaine dernière avec leurs homologues de l'UE qu'ils signeraient un accord cadre sur le commerce des biens, l'accès au marché, la coopération de développement et les pêches au plus tard le 23 novembre de cette année.
Cet accord cadre réduira à zéro 81 pour cent des exportations actuelles de l'UE des produits industriels et agricoles entrant sur les marchés de l'EAC. L'élimination des tarifs à zéro interviendra sur une période transitoire de 25 ans.
D'ici à la fin de la dixième année, il y aura un tarif de zéro pour cent sur les matières brutes et les biens d'équipement. Les tarifs sur les biens intermédiaires seront réduits à zéro entre la onzième et la vingtième année et les tarifs sur les produits finis seront réduits à zéro pour cent après 25 ans.
Sera également intégré à l'accord un mécanisme pour la poursuite des négociations de l'Accord de partenariat économique (APE) au-delà du 31 décembre 2007. Les domaines additionnels à négocier comprennent la libéralisation des services, la propriété intellectuelle et les "questions de nouvelle génération" sur l'investissement, la politique de la concurrence et les marchés publics.
Un négociateur de la région, qui avait été impliqué dans les négociations, a senti que l'issue était bonne pour l'EAC. "Bien sûr, elle est bonne. Si elle n'était pas bonne pour nous, nous ne l'aurions pas acceptée". Il était content du niveau de libéralisation, ajouté à la liste d'exclusion (19 pour cent du commerce actuel), et de la période de transition. Les réductions de tarifs débuteront seulement à partir de 2010.
Toutefois, d'autres officiels des gouvernements de la région ont exprimé une gêne. Une question essentielle au sein des partenaires aux négociations portait sur le "développement". L'EAC avait soumis à l'UE une matrice de projets qu'ils voulaient que les nations plus riches financent.
Selon une source interne en provenance de Nairobi, au Kenya, qui a gardé l'anonymat, "ce qui n'est pas clair est ce que nous obtiendrons dans le cadre de 'développement'. Je ne sais pas à quel point ce cadre de développement est concret et engage. C'est une confusion totale, mais malheureusement nous sommes déjà là.
"Aurons-nous des fonds supplémentaires? L'UE est en train de dire qu'ils utiliseront l'actuel FED (Fonds européen de développement). Nous nous sommes fait avoir dans cette histoire. Nous voilà, ouvrant nos marchés à l'UE, et en retour, nous aurons un cadre de développement de 'bonne intention' (qui n'engage pas)", a-t-il déclaré à IPS.
"Nous ne savons pas, en termes concrets, d'où viendront les fonds -- s'il n'y a pas de fonds supplémentaires. Donc cet arrangement provisoire concerne juste l'ouverture de nos marchés à l'UE", a-t-il dit.
Un autre fonctionnaire du gouvernement en provenance de Kampala, en Ouganda, a soulevé des préoccupations similaires : "Je pense qu'il y a un plan de développement de l'EAC. Très probablement, c'est ce qui a été regroupé sous le terme d'appui au 'développement'.
"En termes de fonds, obtiendrons-nous quelque chose au-delà de ce que nous aurions eu (sans l'APE) ou obtiendrons-nous la même chose? Ces réponses ne sont pas très claires et personne ne peut vous le dire. Nous savons que le FED viendra. Ce sera toujours peut-être la même somme d'argent.
"Mais on nous a dit que l'UE est le principal bailleur de fonds de nos routes, ainsi nous devons être d'accord avec eux (sur l'APE). Donc c'est un peu délicat", a indiqué le fonctionnaire ougandais qui a gardé l'anonymat.
A la question de savoir comment le programme pourrait affecter le secteur agricole en Ouganda, il y a une certaine incertitude. Le fonctionnaire ougandais a commenté : "Il y a une liste de produits sensibles qui sont exclus de la libéralisation. On m'a dit que les subventions (agricoles de l'UE) ne sont pas ouvertes à la négociation".
"Ceci veut dire que provisoirement, (l'EAC n'ouvrira pas ses marchés) à ces produits que l'UE subventionne, tels que le boeuf et la laiterie. Mais quand vous regardez le Rwanda, ils importent beaucoup de lait de l'UE. Comment l'Ouganda et la Tanzanie vont-ils empêcher le lait d'entrer? S'il n'y a pas de mesures douanières, le lait peu facilement venir ici".
A la question de savoir si l'APE affectera le secteur industriel en Ouganda, il a répondu : "En réalité, nous n'avons pas beaucoup d'industries pour en parler. Peut-être le problème concerne les futures industries, je ne sais pas".
"Cela pourrait être une situation inextricable. Peut-être que nous pouvons attirer l'investissement ou peut-être que cela découragera nos entrepreneurs locaux qui ont déjà commencé quelque chose ou qui auraient pu commencer quelque chose", si ce n'était pas pour la concurrence extérieure.
Il a donné l'exemple de petites épiceries qui sont actuellement en train d'être poussées hors du marché. "Elles sont en train d'être avalées par des supermarchés. Ces petites boutiques fournissaient des services supplémentaires. Vous pouviez acheter quelques objets et payer plus tard, et elles étaient dans les banlieues. Actuellement, avec l'arrivée des supermarchés, certaines sont poussées dehors".
"Elles ne sont plus compétitives. Nous ne sommes pas sûrs si ces gens de (l'UE) viendront (du fait de l'APE) et déplaceront ces petites gens".
Il a également soulevé la question des voisins tirant des avantages au détriment des Ougandais. "Et si les Européens décident de construire des industries au Kenya et ne viennent pas ici?
'Unilever' est au Kenya et ils apportent tous les produits ici -- du savon, de la pâte dentifrice -- dans nos supermarchés. Ainsi, les personnes qui en bénéficient sont des Kenyans et il n'y a aucune garantie que nous en bénéficierons, bien que nous parlions en tant que EAC".
"Quand vous regardez le secteur privé Kenyan, leur volume d'exportation est tout à fait élevé. Mais quand vous regardez le nôtre, le volume est un peu bas. Le nôtre pouvait entrer dans le cadre de l'EBA (l'initiative de l'UE appelée 'Tout sauf les armes'). Je ne sais pas si notre secteur privé est informé de cela. S'ils ne le sont pas, on pourrait leur dire que d'ici à janvier, leurs produits attireront un tarif plus élevé".
En tant que pays moins avancé (PMA), l'Ouganda peut profiter de l'arrangement préférentiel de l'EBA de l'UE qui exonère toutes les exportations des PMA de taxes.
Le fonctionnaire kenyan a jouté ceci : "Nous sommes mieux avec le système généralisé de préférences (les taux de tarifs que l'UE offre à tous les pays). Ces taxes sont élevées, mais elles ne nous auraient pas empêchés d'exporter et nous n'aurions pas dû ouvrir nos marchés à l'UE.
Mais maintenant, l'UE est en train de nous dire de payer un prix pour les préférences que nous recevrons d'eux en ouvrant nos marchés. Même quand nous faisons cela, les pays que nous craignons seront toujours plus compétitifs -- l'Inde, la Corée et autres. L'UE est déjà en train d'entrer en accords de libre-échange avec eux. Donc il n'y a rien que nous gagnons en nous ouvrant".
"Mais l'aspect politique entre en jeu. Les hommes politiques disent que nous devons rassurer certains des principaux acteurs, en particulier dans l'horticulture, que le commerce ne sera pas perturbé (à la fin de l'année). Juste à cause de l'horticulture, nous ouvrons nos marchés".