Pour l’OCDE, l’Afrique devient la nouvelle terre promise

Javier Santiso, directeur adjoint du Centre de développement de l’OCDE, n’a pas de doute. Il y a une euphorie du capital-investissement et des fonds spéculatifs pour le continent africain.

Par Chérif Elvalide Sèye, Dakar - 23/03/2008

2007 a été particulièrement bonne pour les investissements en Afrique. Près de 3 milliards de dollars ont été levés à destination de l’Afrique. Dès le mois de février, la banque d’investissement russe Renaissance Capital lançait un fonds d’investissement panafricain d’un milliard de dollars et, dans la foulée, annonçait, en avril, la création d’une unité à part entière de banque d’investissement, de recherche et de gestion d’actifs panafricaine, avec deux antennes à Lagos, au Nigeria, et à Nairobi, au Kenya. Le Sud-Africain Pamodzi Investment Holdings, soutenu par des établissements financiers américains, se dotait d’un fonds panafricain de 1,3 milliard de dollars.

Puis, l’Europe se mêle au concert par l’entremise du fonds londonien Blakeney Management présent depuis une dizaine d’années, qui étend ses activités à l’Angola, au Mozambique et à l’Ethiopie, pays qui ont la particularité commune de sortir de conflits armés internes. Selon Javier Santiso, directeur adjoint du Centre de développement de l’OCDE, dans un article publié en décembre dans L’Observateur, la revue de l’institution « l’Afrique est en passe de devenir la nouvelle terre promise pour les investisseurs s’intéressant aux marchés émergents. »

Extension L’Afrique recevait déjà des investissements mais ils se limitaient à l’Afrique du Sud, et au Nigeria, dans une moindre mesure. Désormais, les investissements s’étendent à d’autres pays tels le Ghana, le Botswana ou le Kenya. Les origines des investissements se diversifient aussi. Londres, New York, Moscou, Johannesburg, Lagos rejoignent le prince saoudien Al-Walid Ibn Talal Al Saoud, qui possédait déjà des participations dans le secteur bancaire ghanéen et dans les télécommunications sénégalaises, et qui a participait à la création, en juillet 2005, d’un nouveau fonds de 400 millions de dollars, HSBC Kingdom Africa Investments. La Chine, l’Inde et les Emirats, qui ont remporté avec Dubaï World Port la concession du Port autonome de Dakar, sont également entrés dans la course.

Javier Santiso révèle par ailleurs que « les investisseurs sur les marchés de valeurs émergents sont aussi tentés par l’Afrique, qui totalise près de 10 % des fonds investis sur les marchés émergents dans le monde. » L’auteur décèle également un phénomène nouveau. L’arrivée des fonds spéculatifs. Ainsi, Tudor Investments a pris une participation dans Africa Opportunities Partners, présent dans la brasserie tanzanienne, les télécommunications sénégalaises et l’assurance égyptienne. Le financier suisse Nicolas Clavel a lancé le premier fonds spéculatif européen entièrement dédié à l’Afrique le 1er juillet 2007 : le Scipion African Opportunities Fund, qui ambitionne de lever 700 millions de dollars.

L’émergence d’une nouvelle génération de financiers africains d’envergure internationale aux commandes de fonds centrés sur l’Afrique n’est pas non plus sans impact.

Conjonction heureuse Les raisons de ce changement sont multiples. Il résulte, selon l’expert de l’OCDE, de la conjonction de deux faits. Au plan externe, on retient la faiblesse des rendements dans les pays de l’OCDE, l’abondance des liquidités et la quête de rentabilités élevées qui poussent les investisseurs à tenter des investissements toujours plus risqués.

Au plan interne, on note principalement l’augmentation des opportunités d’investissement. Plus de 522 entreprises africaines cotées dans les bourses sub-sahariennes, contre à peine 66 en 2000. S’y ajoute remarque, Javier Santiso, la progression rapide de l’information financière et de l’infrastructure en communications permettant de travailler parallèlement sur plusieurs marchés de capitaux. Une douzaine pour les analystes de Renaissance Capital.

Compétences africaines L’émergence d’une nouvelle génération de financiers africains d’envergure internationale aux commandes de fonds centrés sur l’Afrique n’est pas non plus sans impact. Le Ghanéen Kofi Bucknor dirige le fonds Kingdom Zephyr African Management Company. Vincent Le Guennou a pris les rênes de la plus grosse société de capital-investissement du continent africain, Emerging Capital Partners, qui est basée à Tunis et totalise 1 milliard de dollars. La principale cause demeure toutefois les conditions macro-économiques. « La croissance est de retour en Afrique, et les gouvernements encouragent les investissements privés dans les projets viables et rentables ».

En conclusion, l’auteur, tout en reconnaissant que l’Afrique « ne deviendra pas du jour au lendemain un marché émergent « star » comme l’Asie ou l’Amérique latine », considère que le continent peut devenir « un pôle d’attraction majeur ». Il revient aux dirigeants politiques, maintenant, avertit-il, « de s’assurer que l’intérêt croissant porté à l’Afrique ne s’évapore pas comme une euphorie passagère ».

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