Climate change: Conséquence de la montée des eaux à Maurice

Un article publié par le quotidien mauricien "l’Express" explique l’impact du changement climatique sur l’île de l'ocean indien.

La montée des eaux n’épargnera pas Maurice. Un rapport publié lundi dernier, en marge de la réunion du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat, est alarmant. Il reconnaît que le rythme annuel de la fonte des glaciers a doublé depuis l’an 2000. Et notre île, durant les années à venir, en fera les frais. Explications.

Les côtes mauriciennes ont perdu dix mètres. Conséquences : Cap- Malheureux, le Caudan et une partie de Tamarin, ont été recouverts par la mer. Cette catastrophe a conduit à un déplacement massif de la population. Les ressources agricoles ont fortement diminué, les maladies virales ont augmenté et l’eau potable se fait rare. 

 Si cette nouvelle n’est que pure fiction aujourd’hui, elle pourrait devenir réalité d’ici quelques années, si l’on en croit les estimations du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) de cette semaine. « Le rapport du GIEC n’a pas véritablement fait de précisions concernant les chiffres exacts ou la période de montée des eaux », mentionne Toolseeram Ramjeawon, professeur à l’université de Maurice et consultant au ministère de l’Environnement. « Toutefois, on sait que la mer monte de trois millimètres par an et le GIEC annonce que cette tendance s’accélère », ajoute-t-il. 




Grand-Baie, Péreybère et Flic-en-Flac menacés 



Selon l’instance intergouvernementale, le niveau de la mer aurait augmenté de 17 cm au cours du 20ème siècle et pourrait s’élever de 18 à 59 cm au cours des 100 prochaines années. En d’autres termes, certains pays insulaires tels que les îles Marshall ou Tuvalu pourraient être rayés de la carte (voir hors-texte). Si Maurice n’est pas aussi vulnérable que ces dernières, elle n’en reste pas moins concernée. « Il y aura des influences sur Maurice et Rodrigues, même si ces îles ne seront pas totalement recouvertes », précise Henri Agathe, expert auprès de la Commission de l’Océan Indien (COI). En effet, Maurice a l’avantage d’être une île volcanique. 

 De par son altitude élevée et ses hauts plateaux, l’île ne peut disparaître. « Contrairement aux îles dont les scénarii futurs sont alarmants, Maurice a un relief avantageux », explique Prem Saddul, géologue. « L’île est volcanique et certains de ses plateaux, tels que les Plaines-Wilhems, culminent à près de 500 mètres de haut », ajoute-t-il. 

Si l’océanographe Vassen Kauppaymuthoo valide ce fait, il n’en reste pas moins sceptique concernant les zones situées à des altitudes moins élevées. « A moins d’une éruption volcanique massive créant un effondrement général, Maurice n’est pas appelée à disparaître sous l’effet du relèvement du niveau de la mer ». Il ajoute cependant que « la zone située sous les dix mètres d’altitude est la plus directement menacée à court terme ». En effet, si le niveau de la mer doit augmenter, les parties peu élevées de l’île seraient fortement menacées par les flots. « Les zones de basses altitudes telles que Grand-Baie, Péreybère ou encore Flic-en-Flac, verront un risque accru d’inondation et de pénétration de l’eau de mer », explique l’océanographe. En d’autres termes, c’est la zone côtière de notre île qui sera affectée. Plages et pas géométriques seront rayés de la carte. 

« J’estime qu’environ 200 km des 321 km de notre littoral sont sérieusement menacés à cause du relèvement du niveau de la mer et ils le seront encore plus durant les années à venir », ajoute Vassen Kauppaymuthoo. 

Une situation qui ne sera pas sans conséquences. Ainsi, la disparition d’une partie des zones côtières signifie déplacement de la population, problèmes d’infrastructure, mais aussi infiltration de l’eau de mer dans les sols. 

« La montée des eaux engendre une pénétration de l’eau salée sur les terres, ce qui va affecter les nappes phréatiques », souligne Prem Saddul.

Une telle situation a déjà été observée à Madagascar. « Dans certaines régions, il y a une “salinisation” (infiltration de l’eau salée dans les sols) de la nappe phréatique », explique José Rakotomanjaka, expert en changement climatique pour la COI à Madagascar. « Il y a des conséquences sur la population, sur les récoltes et sur l’élevage », ajoute-t-il. 




Des actions encore minimes 



Par ailleurs, une étude effectuée par des experts japonais, a demandé le déplacement de la ville de Morondava (sud-ouest de Madagascar). « Les experts nous ont laissé deux choix : installer des systèmes de défense comme des murs de 10 mètres de haut ou alors déplacer l’ensemble de la population de la ville. Nous optons pour le second, beaucoup moins coûteux », explique José Rakotomanjaka. 

Si Maurice s’est engagée auprès de l’Alliance of Small Island States - organisation qui défend, sur le plan international, les droits des états insulaires qui en sont membres - selon les experts, les actions entreprises sont encore minimes. « L’un des gros problèmes est le décalage entre la politique et la science, déclare Toolseeram Ramjeawon, elles n’ont pas les mêmes enjeux : le scientifique voit loin, le politique seulement jusqu’au bout de son mandat et les projets entrepris, sont rarement suivis. Mais c’est un phénomène mondial. » Si certaines îles, à l’image d’Hawaï ou de Tahiti, préparent des scénarii afin de connaître l’impact de la hausse du niveau de la mer pour leur territoire respectif, la question fondamentale, telle que la mentionne Prem Saddul, est : « De savoir si à Maurice, on s’est vraiment préparé à ce phénomène ? » 




Le compte à rebours est déjà enclenché 



Iles Marshall, Tuvalu, ou encore les Maldives. Pour ces îles, la hausse du niveau de la mer fait déjà des dégâts, qui s’accentueront dans un avenir très proche. Ces états insulaires disséminés sur tous les océans sont nombreux. Leurs sommets ne dépassant que de quelques mètres le niveau de la mer, ils sont fortement menacés de disparition. Ainsi, l’impact de la montée des eaux est visible dans les zones de basses altitudes, à l’instar des îles Marshall dont on prévoit la disparition d’une partie des terres émergées. 

 Aux Maldives, en novembre 2007, le président Maumoon Abdul Gayoum lançait un appel d’urgence contre le réchauffement climatique. Ce dernier déclarait que 80 des 1200 îles de son archipel avaient enregistré une hausse des marées et se situaient à seulement un mètre au-dessus du niveau de la mer. 

L’Etat polynésien Tuvalu (océan Pacifique), dont les neufs atolls coralliens s’élèvent rarement à plus de cinq mètres au-dessus du niveau de la mer, est tout aussi vulnérable. Depuis l’appel du gouvernement lancé en 2001, un nombre important de Tuvaliens a quitté l’île. Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande a accepté de recevoir un contingent annuel de soixante-quinze évacués.