L'EXPORT, REFLET DE LA PERFORMANCE PRODUCTIVE DES ENTREPRISES FRANÇAISES

12/09/2008

Un rapport du Conseil d'analyse économique montre qu'à partir de 2000, les entreprises allemandes ont devancé leurs concurrentes françaises grâce à leur stratégie coûts, reposant sur la modération salariale et l'outsourcing.

« L'export n'est pas un objectif légitime de politique économique ». Il reste un révélateur, une récompense des performances du tissu productif. C'est ce que rappellent Lionel Fontagné et Guillaume Gaulier dans leur rapport « Performances à l'exportation de la France et de l'Allemagne », réalisé dans le cadre du Conseil d'analyse économique (CAE).

Les deux économistes constatent que l'économie française a perdu 30 % de parts de marché des exportations mondiales entre 1995 et 2007, tandis que l'Allemagne chutait de 5 % et les autres pays de l'OCDE de 15 %. Face à la montée en puissance des pays émergents, notamment les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), la tendance paraît « normale », mais le décalage avec des pays similaires est plus inquiétant. Pour mieux le cerner, le rapport a été focalisé sur la comparaison avec le voisin d'Outre-Rhin. Pays le plus semblable à la France : deux économies toujours industrielles, ayant adopté l'euro, important et exportant sensiblement les mêmes biens et services, en forte concurrence à l'exportation, surtout dans la zone euro. Les deux auteurs estiment même que 96 % des exportations françaises entrent en concurrence frontale avec les exportations allemandes.

Ils montrent surtout que l'Allemagne a pris le dessus dans les années 2000-2005, non pas grâce aux spécificités sectorielles ou géographiques de ses exports, mais par sa compétitivité-coût. D'ailleurs, les services sont autant concernés que les biens. « Il n'y a donc pas de basculement de l'avantage compétitif français de l'industrie vers les services. Il s'agit bien d'un problème d'offre ». En effet, l'Allemagne a bénéficié des fruits de sa stratégie de modération salariale et d'outsourcing (externalisation en amont des fournisseurs, essentiellement en Europe de l'Est).

Le manque de grosses PME françaises

Toutefois, le degré d'internationalisation des grands groupes français (directement implantés sur les marchés extérieurs), qui devancent depuis quelques années les groupes allemands, n'entre pas en compte dans les exportations françaises. Or la comptabilité des entreprises françaises montre qu'elles ne sont pas moins profitables que leurs homologues allemandes. Il est toutefois peu aisé d'évaluer les retombées de cette donnée sur l'économie française. Par ailleurs, l'économie allemande semble proche des limites de sa stratégie de pression sur les coûts : les syndicats se montrent désormais plus revendicatifs et les réserves d'outsourcing seront bientôt épuisées (haut niveau de segmentation atteint et hausse du niveau de vie en l'Europe de l'Est). Ce qui représente une « marge de progression pour la compétitivité française » vis-à-vis de l'Allemagne.

Pour autant, Lionel Fontagné et Guillaume Gaulier soulignent les lacunes en matière de renouvellement des champions français de l'export, autrement dit le manque de grosses PME. Les entreprises françaises sont nombreuses à exporter, mais faute d'avoir atteint une taille critique et une performance productive suffisante, elles échouent fréquemment après un ou deux ans sur les marchés extérieurs. Au contraire des exportatrices allemandes, moins abondantes, mais bénéficiant de positions plus solides, notamment sur le haut de gamme.

Aide plus sélective à l'export, innovation et concurrence

Les deux auteurs lancent également des pistes en matière de politique économique. Premièrement, il est préférable de soutenir les entreprises exportatrices solidement positionnées (dans plusieurs pays et de préférence hors Union Européenne) ou celles qui affrontent des obstacles externes (financement, taille critique...), plutôt que de multiplier les aides aux sociétés primo-exportatrices. Il faut aussi favoriser les collaborations à l'export entre grands groupes et PME. Surtout, il est nécessaire de mener des « politiques horizontales pour rehausser le niveau d'efficacité de l'ensemble des entreprises françaises », notamment en soutenant l'innovation et en encourageant la concurrence sur le marché domestique (afin que les PME développent de solides fondamentaux avant de se lancer sur les marchés étrangers).

Les deux économistes le répètent : « l'export n'est pas un objectif légitime de politique économique », simplement un levier (parmi d'autres) de développement des entreprises, une fois que celles-ci sont parvenues à une certaine performance productive. D'ailleurs, la croissance du PIB de l'Allemagne n'a dépassé celle de la France que depuis 2006. Du point de vue des salariés allemands, la stratégie de compétitivité-coût n'a pas que des atouts. Et la forte exposition de l'économie allemande à l'exportation l'a rend fragile en période de ralentissement mondial comme aujourd'hui. Enfin, Guillaume Gaulier signale qu'en l'absence de réelle politique économique européenne, la stratégie de « désinflation compétitive » menée par l'Allemagne a handicapé les autres pays de l'UE. « Si tous les pays européens avaient adopté cette politique, quelle aurait-été la croissance de la zone euro ? ».