Crise financière boursière mondiale : TOUCHERA, TOUCHERA PAS L’AFRIQUE ?

L'Essor n°16297 du 2008-10-08

Elle pourrait obliger les Africains à reconsidérer leurs politiques d’investissement

La crise financière qui fait bouillonner actuellement la haute finance mondiale touchera-t-elle ou non l’Afrique? La question titille en ce moment les milieux financiers africains.

En Afrique centrale, les responsables politiques de la zone franc se sont réunis, hier à Yaoundé, au Cameroun, d’abord au niveau des experts lundi, puis au niveau des ministres des Finances. Les pays producteurs de pétrole de la région inquiets de l’avenir de l’or noir ont pris part à cette réunion. Nos confrères de Radio France Internationale( RFI) ont également annoncé, hier que le volume du manque à gagner pour l’industrie pétrolière algérienne est évalué à plus de 15 millions de dollars, environ 6,75 milliards de Fcfa par jour. Mais, c’est le président Béninois, Bony Yayi, qui a sonné le premier, l’alerte devant le Conseil de Sécurité des Nations, réunis à New York, au siège de l’Institution mondiale. Dans son analyse, il a attiré l’attention des dirigeants du monde sur le risque de diminution de l’aide publique au développement (APD) à l’Afrique que la crise peut engendrer, au cas où elle perdurerait.

Aujourd’hui l’enjeu de la crise va au-delà de la simple APD. Elle hypothèque l’avenir même de nos produits d’exportation. Car, au rythme où l’on va, la poursuite de la crise financière peut entraîner le ralentissement de l’économie mondiale. Les risques de baisse de la demande des ménages sont incalculables, notamment la baisse de la consommation et la suppression d’emplois. Déjà aux États-Unis, 159000 emplois ont été supprimés, en France l’usine Renault prévoit la suppression de 100 000 emplois. Sur les marchés des matières premières, le ton est donné.

Le vendredi dernier, l’or et le coton, deux nos principaux produits d’exportation, ont reculé sur les places boursières à New York et à Londres. Le premier, vendu à 820,15 dollars, environ 369 067,5 Fcfa l’once, a perdu environ 9% de sa valeur sur la semaine. Concernant le coton, le contrat pour livraison en décembre, contrat de référence, valait 58,81 cents la livre, contre 60,38 cents la livre le vendredi d’avant. (cf cours des matières premières). Par ailleurs, le manque de liquidité qui accompagne la crise financière oblige les investisseurs étrangers à revoir la copie de leur projets en direction du continent.

La crise pourra obliger aussi, les Africains à reconsidérer leurs politiques d’investissement à l’étranger. Avant, il suffisait d’acheter des Bons du trésor américains et des obligations européensnes pour se sentir à l’abri. Aujourd’hui, ce schéma est remis en cause. Il va falloir que les pays africains trouvent d’autres moyens de placer leur argent. Cette recherche devrait les conduire, par exemple à réflechir sur la création de fonds souverains dédiés à prendre des participations dans les grandes entreprises occidentales, asisatiques et africaines, notamment minières. En Afrique du Sud, le pays africain le plus intégré aux marchés financiers mondiaux, la bourse sud-africaine a souffert de la baisse des Bourses américaines et européennes.

CHUTE Des COURS DES MATIèRES PREMIèRES. Plusieurs analystes financiers maliens estiment que la diminution des APD est peu probable. Elle ne représente qu’une portion marginale (0,28 à 0,30 %) dans le budget des nations développées, contrairement à ce que beaucoup de gens peuvent imaginer. Mais il faut craindre l’effet d’entraînement qu’elle peut engendrer sur l’outil de production des pays développés, principaux consommateurs de nos produits d’exportations. Selon les experts maliens, la crise financière peut facilement se muer en crise économique entraînant le ralentissement de l’activité économique. La conséquence immédiate d’un tel cas de figure sera la chute des cours de nos matières premières. Ce scénario se dessine à l’horizon.

Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn a exclu l’idée, selon laquelle les pays en développement ou émergents échapperont aux conséquences de la crise financière et bancaire qui secoue les pays développés. “Je ne crois pas à cette thèse (du découplage nord-sud). L’ensemble du monde aujourd’hui est globalisé et les conséquences de la crise financière se feront sentir partout, avec un décalage et pas obligatoirement par l’intermédiaire du monde financier”, a-t-il averti.

Le monde assiste à un “ralentissement de la croissance un peu partout”. Mais dans certains pays en développement, notamment en Afrique ou en Amérique latine, “les conséquences peuvent être extrêmement graves pour les populations. Car elles peuvent être à l’origine de famine, de malnutrition des enfants”, a expliqué D. Strauss-Kahn.
Le vote du plan de sauvetage de 700 milliards de dollars du gouvernement américain par la Chambre des représentants n’a apparemment rien changé. Les places boursières restent encore peu receptives à la proposition de l’Administration Bush. Sur le continent européens, les effets dominos de la crise font des ravages.

Les faillites des banques se sont succèdées, durant le week-end dernier, obligeant les dirigeants des quatre puissances de l’Union Européenne , France, Italie, Grande Bretagne, Alle-magne à prendre des mesures urgentes pour parer arrêter la grangrène. La dernière faillite a concerné la banque de garantie en Allemagne, Hypo Real Estate (HRE), montrant les limites du système financier allemand, jusque-là considéré comme invulnérable.