Paper: Les pays BRIC peuvent-ils encore progresser? - par Dorothée Enskog

18.07.2011 

Pascal Rohner, analyste du Credit Suisse, nous explique pourquoi les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) affichent des taux de croissance spectaculaires et pourquoi le moment est bien choisi pour investir sur ces marchés.

M. Rohner, vous êtes stratège en marchés émergents. Quel est aujourd'hui le PIB combiné des économies BRIC en pourcentage du PIB mondial?
Pascal Rohner: Il y a dix ans, il était très faible, à seulement 8% du produit intérieur brut (PIB) mondial. Mais aujourd’hui, après la forte croissance de ces dernières années, il représente 10'000 milliards de dollars, soit environ 17% du PIB mondial.

Pensez-vous qu'il dépassera celui des pays du G7 à long terme?
Oui. Même si leur PIB combiné reste pour l’instant trois fois inférieur à celui du G7, nous estimons qu’il faudra moins de 25 ans pour qu’il dépasse ce dernier.

Quels sont les principaux facteurs qui alimentent cette croissance?
Ils sont les mêmes que ces dernières années, à savoir les infrastructures, l’urbanisation, le commerce mondial et les exportations de matières premières, mais aussi de plus en plus la consommation.

Vous venez de mentionner les infrastructures. Pouvez-vous nous en dire plus?
Même si les pays BRIC ont beaucoup investi dans leurs infrastructures ces dernières années, le besoin en investissements supplémentaires demeure important. L’Organisation de coopération et de développement économiques prévoit actuellement qu’ils devront investir chaque année environ 5% de leur PIB pour parvenir aux objectifs de croissance.

En construisant des routes, des ponts?
Principalement des villes, des centrales d’électricité, des routes, des voies ferrées, des ports, etc.

Quel rôle la consommation joue-t-elle?
Comme je l’ai dit, la consommation est véritablement en train de devenir un facteur déterminant de la croissance économique future. Le principal moteur de cette évolution réside dans l’expansion massive de la classe moyenne mondiale. Or nous estimons que celle-ci sera multipliée par plus de deux et dépassera 3,4 milliards de personnes au cours des vingt prochaines années, en particulier en Asie, en Chine et en Inde.

Ces besoins croissants en consommation et en infrastructures stimulent-ils la demande en matières premières?
Oui, absolument. Les projets d’infrastructures considérables et l’évolution des modes de vie vont générer une demande importante en métaux de base, en pétrole, mais également en matières premières agricoles (soft commodities). Ce qui profite évidemment aux exportateurs de ressources naturelles, tels que la Russie et le Brésil.

Le moment est-il actuellement bien choisi pour investir dans les économies BRIC, ou sont-elles surévaluées?
Le moment nous semble propice, même si ce n’est pas nouveau.
Il s’agit plus ou moins d’un consensus. Si l’on s’intéresse aux évaluations, les ratios cours/bénéfices (PER) sont désormais plus ou moins en ligne avec les moyennes historiques, après la sous-performance de l’année dernière. Ce qui dénote globalement l’absence de bulle spéculative.

Pouvez-vous préciser votre pensée?
Nous observons actuellement des rapports cours/bénéfice inférieurs à leur moyenne historique en Russie et en Chine. En Inde et au Brésil, le tableau est légèrement différent, car nous relevons de légères primes d’évaluation dans ces pays, mais elles n’ont pas encore atteint le niveau d’une bulle.

A quels risques les investisseurs doivent-ils prêter attention?
Dans la situation actuelle, les principaux risques résident dans l’inflation alimentaire et l’incertitude politique. Pour autant, nous pensons que les risques restent gérables dans les économies des pays BRIC. En matière de placements en actions, il est primordial de s’intéresser à la propension mondiale au risque. Si celle-ci s’inscrit à la baisse, elle s’accompagne évidemment d’une correction de ces types d’actifs à risque.