REPRINT: "Le roi du Swaziland de plus en plus critiqué"
Publié le 10 juin 2014 sur La Presse.ca
Le roi du Swaziland, Mswati III,
dirige son pays d'une poigne de fer et les critiques se font rares au
sein de ce petit État africain de la taille du New Jersey. Mais hors de
ses frontières, les mêmes critiques sont de plus en plus nombreuses.
Il faudra dorénavant ajouter la voix de l'archevêque sud-africain
Desmond Tutu parmi celles qui dénoncent l'une des dernières monarchies
absolues de la planète.
La semaine dernière, le Prix Nobel de la paix a fait parvenir une lettre
au roi du Swaziland, dans laquelle il dit s'inquiéter de «l'état de la
liberté d'expression, de l'indépendance de la justice et du respect de
l'État de droit au royaume de Swaziland». La missive était également
signée par le Centre pour la justice et les droits de l'homme Robert F.
Kennedy et par une quarantaine de personnalités et d'organismes militant
pour les droits de la personne.
Le roi Mswati III règne sans partage sur le Swaziland depuis son
accession au trône, en 1986. Son père, le roi Sobhuza II, a fait
interdire les partis politiques dans les années 70 dans ce pays de 1,4
million d'habitants enclavé entre l'Afrique du Sud et le Mozambique. La
communauté internationale demande des réformes démocratiques depuis
plusieurs années, mais le roi fait la sourde oreille. Récemment, Mswati
III a dit avoir reçu un message de Dieu lui signalant que le Swaziland
serait dorénavant considéré comme une monarchie démocratique.
Arrestation dénoncée
Mgr Tutu dénonce notamment l'arrestation et la détention de l'avocat
Thulani Maseko et du journaliste Bhejki Makhubu. Ils ont été arrêtés en
mars dernier après avoir fait paraître, dans le journal indépendant The Nation,
deux articles dénonçant le régime en place. Deux militants et trois
juges ont aussi été arrêtés au cours des derniers mois. Les signataires
demandent que ces prisonniers politiques soient libérés immédiatement et
que le roi remplace le plus haut magistrat du pays, le juge Michael
Ramodibedi, qui a ordonné leur emprisonnement.
Desmond Tutu demande aussi au roi d'entreprendre des réformes
démocratiques. «Votre Majesté, le monde a maintenant un vif intérêt pour
le Swaziland. Si aucune réponse n'est apportée, ces récents évènements
risquent d'endommager durablement l'image de votre pays aux yeux des
investisseurs internationaux et de vous conduire vers l'isolement
économique et politique.»
Le gouvernement américain a laissé savoir récemment qu'il pourrait
exclure le Swaziland de l'AGOA, traité international permettant au pays
d'exporter ses produits vers les États-Unis. L'agriculture représente
70% de l'économie locale, qui exporte pour 1,6 milliard annuellement de
produits divers comme le sucre, le coton, le maïs et le tabac.
Sourd aux critiques
Même si son pays est au bord de la faillite, selon des médias
sud-africains, le roi fait fi des critiques à son endroit. En mai
dernier, il a décrété une hausse de 10% de son budget personnel, alors
que les deux tiers de la population vivent avec moins de 1$ par jour.
Ses revenus ne sont pas imposables et il contrôle plusieurs des plus
importantes entreprises du pays, dont le principal quotidien, The Swazi
Observer.