Rwanda : l'espoir d'alternance politique enterré ?
Un à un, les obstacles s'effacent. Après la chambre basse du Parlement, le Sénat rwandais a adopté mardi, à l'unanimité de ses vingt-six membres, une réforme constitutionnelle censée permettre au président, Paul Kagamé, en fonction depuis 2000, de briguer un troisième mandat, rapporte Voice of America. Grâce à de subtiles contorsions juridiques, que détaille The New Times, l'actuel chef de l'Etat, âgé de 58 ans, pourrait enchaîner un nouveau septennat (à partir de 2017), puis deux quinquennats. Autrement dit, se maintenir théoriquement au pouvoir jusqu'en… 2034 (Mail & Guardian). Les autorités ont présenté cet aggiornamento constitutionnel comme le fruit d'un souhait populaire, ce que contredisent de nombreux observateurs, à l'instar de Filip Reyntens, professeur à l'université d'Anvers (Belgique), sollicité par la Deutsche Welle. De leur côté, l'opposition rwandaise et les Etats-Unis ne cachent pas leur inquiétude sur l'avenir de la paix et de la démocratie au "Pays des mille collines" (Press Afrik). Dans un éditorial, au début de novembre, The Rwanda Focus (proche du gouvernement) insistait sur la nécessité d'éviter toute forme d'aventurisme politique, arguant que les institutions n'étaient pas assez solides pour faire face aux éventuelles conséquences qu'aurait l'absence, à la tête du pays, du "seul homme capable d'assurer sa stabilité". Avec un "Parlement monochrome acquis à la cause du prince", la perspective d'alternance s'amenuise, s'inquiète à l'inverse Le Pays, qui ne peut s'empêcher de lancer un "Bienvenue au royaume de Kagamé !" aussi ironique qu'amer. Le site Guinée Conakry Info ne s'y trompe pas non plus. Derrière "l'habillage démocratique" et la "potion des pétitions" – ces "consultations faussement populaires" que prise Kigali – il dénonce ce qui, selon lui, est au cœur du système Kagamé : la "volonté de conservation du pouvoir". A n'importe quel prix.
via leMonde.fr