SADC ou Comesa ? Maurice botte en touche !

Stéphane Saminaden, L'Express [Maurice], 06/03/09

Le Common Market for Eastern and Southern Africa (Comesa) lancera les 7 et 8 décembre prochain son union douanière. La Southern African Development Community (SADC) devrait en faire autant l’année prochaine. Maurice est coincée entre les deux.

Maurice appartient aux deux blocs économiques régionaux et, jusqu’à présent, le pays a été capable de ménager la chèvre et le chou malgré la méfiance, pour ne pas dire l’antipathie, qui a caractérisé les relations entre les deux blocs régionaux.

Mais à présent que le Comesa et la SADC abordent une phase décisive de leur développement– d’une zone d’échange préférentiel à une zone de libre échange et maintenant à une union douanière pour le Comesa– l’heure du choix est venue pour Maurice.

En effet, selon les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), aucun pays ne peut appartenir à deux unions douanières différentes. La raison en est simple: aucun pays ne saurait avoir deux régimes de tarifs extérieurs.

Or, une union douanière implique que tous les Etats membres d’un bloc régional adoptent un tarif extérieur commun. Maurice ne saurait avoir deux tarifs extérieurs, un pour le Comesa et un pour la SADC.

Cela fait des années que ce dilemme se pose en filigrane des relations de Maurice avec la SADC et le Comesa. Certains de nos voisins africains voyaient d’un mauvais œil qu’on puisse appartenir aux deux blocs et voulaient nous forcer à choisir l’un des deux depuis des années.

La diplomatie mauricienne a fait des merveilles pour biaiser, procrastiner et éviter ce débat jusqu’ici. Après tout, nous ne sommes pas le seul pays à appartenir au Comesa et à la SADC, en même temps. La République Démocratique du Congo, Madagascar, le Malawi, le Swaziland, la Zambie et le Zimbabwe, sont dans le même cas que nous. Alors?

Mais la question se fait plus pressante et plus précise maintenant. Comme annoncé plus haut, le Comesa lance son union douanière la semaine prochaine et la SADC lancera la sienne l’année prochaine.

Précisons une chose toutefois. Il n’y aura rien à signer au niveau du Comesa la semaine prochaine. En inaugurant son union douanière les chefs d’Etats du bloc veulent juste lancer le processus qui aboutira à l’union douanière, font ressortir les négociateurs mauriciens.

Il n’y aura rien à signer cette fois mais Maurice devra prendre position. Tôt ou tard. Il faudra bien dire si on préfère la SADC au Comesa. Sur papier Maurice a plus d’échanges commerciaux avec la SADC qu’avec le Comesa.

L’année dernière, les échanges commerciaux avec la SADC se sont élevés à Rs 18,4 milliards – Rs 12,5 milliards d’exportations et Rs 5,9 milliards d’exportation- contre Rs 9 milliards pour le Comesa – Rs 4 milliards d’importation et Rs 5 milliards d’exportation.

La SADC compte parmi ses membres une puissance économique comme l’Afrique du Sud qui est un des principaux fournisseurs de Maurice. Au niveau du Comesa, le pays le plus avancé économiquement est l’Egypte.

Logiquement donc, on devrait opter pour la SADC. Entouré de plus pauvres que nous, on n’ira pas bien loin. Sauf que pour des considérations géopolitiques qui ne disent pas leur nom, Maurice ne veut pas avoir à choisir entre la SADC et le Comesa.

Les responsables de la stratégie commerciale et de politique extérieure du pays ont tiré un nouvel argument de leurs chapeaux: Maurice préfère attendre l’avènement d’un bloc commercial plus élargi comprenant les Etats membres du Comesa, de la SADC et de l’Eastern and Southern Africa (ESA), ce dernier étant le bloc sous-régional avec lequel nous signerons un accord de partenariat avec l’Union européenne bientôt.

La parade trouvée par Maurice s’appuie sur un sommet des Chefs d’Etats des trois blocs l’année dernière qui s’était engagée à établir une zone de libre échange dans trois ans et une union douanière éventuellement. Cette initiative cadre avec l’ambition – le rêve? – de faire de l’Afrique un marché commun.

En tout cas, cette position – posture diront d’autres – permettra à Maurice un répit de quelques années encore. Ce n’est pas tant l’idée d’ouvrir son marché intérieur aux pays membres de la SADC ou du Comesa qui fait tiquer les décideurs. Maurice a déjà réduit ses tarifs douaniers sur 90% des produits importés et il ne lui reste plus beaucoup à offrir en la matière.

Maurice a peur de perdre sa liberté d’actions dans un bloc régional pas très dynamique et qui ne pèse pas bien lourd dans le concert du commerce mondial. Voilà la vraie raison qui nous fait traîner des pieds. Mais chut… faut pas le dire.